Extrait
Nicolas Lévesque et Catherine Mavrikakis, Ce que dit l’écorce
L’être humain est un animal qui a perdu, au cours de son évolution, sa fourrure. Il est aujourd’hui si nu, enveloppé d’une peau de bébé, vulnérable, irritable, excitable. La peau de l’ancêtre chasseur préhistorique qui courait dans la savane a eu avantage, pour mieux gérer sa température, à passer des poils à un système de transpiration composé de glandes sudoripares. J’aime m’imaginer que l’art de faire un feu a dû aussi, paradoxalement, participer du détachement progressif de sa fourrure – ce qui rend fascinant le réflexe d’entourer le nouveau-né d’animaux en peluche. Je m’explique ainsi que, plus l’humain s’est armé de savoirs et d’outils, plus sa peau est devenue souple, douce et mince, bientôt translucide, papier de riz. […] Je suis née sans peau et ma mère ne m’a pas donné la sienne. Peut-être a-t-elle eu du mal durant sa vie à avoir une peau autre que celle que lui octroyaient toutes ses parures. J’ai longtemps pensé, à tort, que ma mère n’aurait pas pu ou voulu donner sa peau pour ses enfants, et qu’elle avait toujours imaginé nous avoir la peau à tous.