Extrait
Perrine Leblanc, Malabourg
Entre 8 et 9 heures, Alexis s’exerce devant un petit étalage qui porte le nom d’orgue à parfums. C’est Huysmans qui a imaginé, dans À rebours, cette représentation pratique de la palette d’odeurs que les parfumeurs du XXe siècle ont trouvé poétique et excellente. Ils ont donné forme à l’idée : une étagère en bois d’acajou, un hémicycle dans lequel sont classés, chez Alexis en tout cas, des dizaines de fioles d’essences, d’absolus, d’extraits de CO2, d’hydrolats, de résines, de baumes. Sur son bureau, près du réfrigérateur où sont conservées les essences les plus précieuses, sensibles à la lumière, se dégradant rapidement au contact de l’air, il y a des porte-touches et des touches disposées en éventail, des pipettes de verre, des compte-gouttes, une balance électronique pour peser les formules, un carnet florentin dans lequel il rédige à la main ses formules et des débuts de formules, puis un second carnet, à la couverture rouge, son encyclopédie d’odeurs personnelle dans laquelle il répertorie les matières qu’il découvre ou redécouvre, et ses impressions et les images qu’il s’est forgées pour développer sa mémoire : un mécanisme à dérouiller chaque matin.