Maison Merry

La Maison Merry est la plus vieille maison du «Magog urbain». Elle présente des expositions et activités racontant l’histoire de Magog et de la région. Située au coeur du centre-ville, elle offre une vue sur le lac Memphrémagog.

Crédit photo : BanQ-Vieux Montréal (E6)-Adrien Hubert

Auteure

Anne Hébert

Anne Hébert passe son enfance dans la région de Québec, à Sainte-Catherine de Fossambault où elle naît et grandit avec l’image et la présence à ses côtés de son cousin Hector de Saint-Denys Garneau, le poète de Regards et jeux dans l’espace (1937) qu’elle côtoie à l’occasion dans le manoir familial. Ses premiers livres, surtout des recueils de poésie (Les songes en équilibre, Le tombeau des rois, Mystère de la parole) la propulsent rapidement au premier plan de la littérature québécoise. À la mort de sa mère en 1965, elle s’exile à Paris où elle écrit la majeure partie de son œuvre, notamment Kamouraska et Les fous de Bassan, où elle fait revivre un Québec imaginaire en plongeant dans sa mémoire à la façon des fous de Bassan de l’île Bonaventure qui fendent les eaux du large pour trouver au creux des vagues leur nourriture et leur subsistance.

Extrait

Anne Hébert, Les fous de Bassan

Le fou de Bassan modère soudain sa vitesse, ferme à moitié ses ailes, se laisse tomber, tête première, comme une flèche, à la verticale. Ne ferme ses ailes qu’au moment de toucher l’eau, faisant gicler dans l’air un nuage d’écume. L’ai si souvent contemplé cet oiseau superbe. Le retrouver intact et bien dessiné. Il suffit d’une image trop précise pour que le reste suive, se réveille, recolle ses morceaux, se remette à exister, tout un pays vivant, repêché au fond des eaux obscures. Griffin Creek, remué dans ses eaux natales par une nuée d’oiseaux affamés, remonte à la surface, étale ses grèves, ses herbes marines, ses rochers abrupts là où autrefois grimpaient des escaliers de bois pour la pêche à la baleine. Viennent les maisons et les bâtiments, les hommes et les femmes, les enfants et les bêtes, l’arche de Noé s’ouvre sous la pression des eaux, laisse filer sa cargaison mâle et femelle sur la côte, entre cap Sec et cap Sauvagine.

Commentaire

Il n’y a pas de fous de Bassan à Magog, encore moins dans la petite mer intérieure du Lac Memphrémagog. Regardez bien pourtant, avec vos yeux autant qu’avec votre imagination, cet œil intérieur qui permet d’accéder aux choses invisibles. Contemplez cette petite baie que surplombe le cap de la Maison Merry, où vous vous trouvez en ce moment. Observez bien les lieux, le grand chêne juste à côté de vous, les rails de chemin de fer en contrebas. Ce n’est pas le cap Sauvagine d’Anne Hébert, bien sûr, mais vous y verrez néanmoins des oiseaux de rivage au loin qui passent leurs journées le long de la pointe Merry à chercher leur nourriture, à se laisser chauffer au soleil. Ce sont des goélands dont les cris font rêver aux grandes marées du village imaginaire de Griffin Creek. Le calme des eaux ressemble à une mémoire endormie où plongent tous ces fous d’écrivains qui cherchent, comme Anne Hébert, à faire ressurgir un passé lointain du territoire.

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